La Fondation Lee Ufan à Arles : Un dialogue poétique entre matière, espace et temps

Un dialogue poétique entre matière, espace et temps.

Au cœur du centre historique d'Arles, l'Hôtel Vernon du XVIIe siècle abrite depuis avril 2022 un espace artistique exceptionnel entièrement dédié à l'œuvre de Lee Ufan, figure majeure de l'art contemporain.

Un lieu chargé d'histoire et de sérénité

La Fondation Lee Ufan représente le troisième espace permanent consacré à l'artiste coréano-japonais, après le Lee Ufan Museum de Naoshima au Japon (2010) et le Lee Ufan Space du Musée d'Art de Busan en Corée du Sud (2015).⁠⁠ Mais c'est à Arles que Lee Ufan a choisi d'établir sa première institution européenne, séduit par ce qu'il décrit comme « le parfum de cette ville où le temps s'efface au milieu des trésors de la culture romaine ».⁠⁠​

L'architecture du lieu a été confiée à Tadao Ando, ami de longue date de l'artiste et architecte de prédilection, qui avait déjà signé le musée de Naoshima.⁠⁠ Ando a su préserver l'âme de cet hôtel particulier tout en créant un écrin contemporain parfaitement adapté à la contemplation des œuvres. L'accueil chaleureux et la qualité de médiation contribuent à faire de cette visite une expérience mémorable.

Lee Ufan : philosophe, poète et pionnier du Mono-ha

Né en 1936 en Corée, Lee Ufan s'installe au Japon au début des années 1960 où il étudie la philosophie à l'Université Nihon de Tokyo. Il devient rapidement le théoricien et figure de proue du mouvement Mono-ha (littéralement « l'école des choses »), qui émerge à la fin des années 1960.⁠⁠ Ce courant révolutionnaire explore les interactions entre les matériaux bruts et leur environnement, privilégiant la présentation des matières dans leur état naturel plutôt que leur transformation.

Au-delà de sa pratique artistique, Lee Ufan est également un penseur prolifique, auteur de plus de dix-sept ouvrages sur la philosophie de l'art, la poésie et la critique, dont son essai fondateur De l'objet à l'être (1969).⁠⁠ Son œuvre incarne un dialogue constant entre esthétiques orientale et occidentale, questionnant notre rapport au temps, à la nature et à l'espace.

Les installations Relatum : la puissance du minimalisme

C'est au rez-de-chaussée de la fondation que se déploient dix sculptures de la série emblématique *Relatum*, titre latin utilisé par Lee Ufan depuis 1972 qui signifie « ce qui est relié ».⁠⁠ Ces installations constituent le cœur battant de la philosophie artistique de Lee Ufan.

Le principe de ces œuvres repose sur une intervention minimale de l'artiste : pierres naturelles, plaques d'acier, verre, papier de coton, bois, corde, cuir – les matériaux sont sélectionnés pour leurs qualités intrinsèques, naturelles ou industrielles. L'acte créatif réside essentiellement dans leur sélection et leur positionnement dans l'espace.⁠⁠ La rencontre entre ces éléments et la relation qui en découle constituent le concept fondamental de ces œuvres.

Parmi les installations remarquables, on trouve le Relatum-Fontaine avec ses pierres monumentales, ou encore Relatum - The stage et Relatum - Sky underneath, qui dialoguent magistralement avec l'architecture de Tadao Ando.⁠⁠ Dans ces œuvres, le vide et le silence ont autant d'importance que les éléments visibles – une invitation à ralentir, à méditer et à vivre pleinement l'instant présent.

Au niveau inférieur, accessible uniquement sur rendez-vous, trois installations in situ offrent une expérience encore plus intime et contemplative, dont deux peintures appliquées directement sur le sol, créant une « concentration » des préoccupations artistiques qui ont animé Lee Ufan pendant six décennies.⁠⁠​

Les œuvres picturales : le rythme du souffle

Si les installations constituent le versant sculptural de l'œuvre de Lee Ufan, ses peintures révèlent une dimension tout aussi essentielle de sa pratique. Au premier étage de la fondation, une trentaine de tableaux sont présentés chronologiquement, permettant de suivre l'évolution des coups de pinceau successifs de l'artiste.⁠⁠​

Ces œuvres bidimensionnelles se caractérisent par des gestes répétitifs, appliqués avec le rythme d'une respiration calme. Bien qu'apparemment minimalistes – certaines semblant n'être qu'un seul grand coup de pinceau – elles sont en réalité le fruit d'une application patiente de nombreuses couches de couleurs subtilement modulées.⁠⁠ Chaque toile cherche un équilibre parfait entre le geste et la couleur, entre le plein et le vide.

Cette approche picturale prolonge la philosophie du Mono-ha : honorer la matière (ici la peinture et le support) tout en laissant l'espace respirer, créant ainsi une tension féconde entre présence et absence.

Un espace culturel vivant

Lee Ufan Arles ne se veut pas un « mausolée » mais un « lieu vivant »,⁠⁠ accueillant au troisième étage des expositions temporaires d'autres artistes, ainsi que des conférences, ateliers et programmes éducatifs. La fondation dispose également d'une élégante bibliothèque et d'un café conçus par la designer française Constance Guisset,⁠⁠ prolongeant l'expérience artistique dans un cadre propice aux échanges et à la réflexion.

Cette institution unique témoigne du lien profond qui unit Lee Ufan à la France, pays qu'il a découvert dès 1971 lors de la Biennale de Paris et où il a possédé un atelier à Montmartre pendant près de trente ans.⁠⁠ Après ses expositions remarquées au Château de Versailles (2014) et au Centre Pompidou-Metz (2019), Arles représente l'aboutissement de cette relation passionnée.

Informations pratiques :

Lee Ufan Arles

Hôtel Vernon, centre historique d'Arles

Ouvert du mardi au dimanche, 10h-18h

Site web : https://www.leeufan-arles.org

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